L’approche participative du point de vue ethnoécologique en zones périurbaines de Kinshasa

Pour mener à bien ces investigations, l’approche participative a été adoptée comme méthode de base. Grâce à cette méthode suffisamment éprouvée par de nombreux chercheurs les objectifs de valorisation du savoir –faire locale dans le cadre de la gestion intégrée des produits forestiers non ligneux (PFNL) étaient accessibles.

L’approche ethnoécologique a permis de recenser tous les PFNL qui font l’objet de l’exploitation, l’utilisation et la commercialisation dans la zone périurbaine choisie.

Introduction

De nombreuses études prenant en compte les ressources naturelles ont été réalisées dans les milieux urbains et ruraux de la RDC. Celles concernant les productions végétales, l’élevage, les habitudes alimentaires… n’ont pas suffisamment développé les aspects de l’exploitation, l’utilisation et le marché des produits forestiers non ligneux (PFNL) qui pourtant contribuent de manière non négligeable dans les stratégies de survie des populations vivant dans les zones périurbaines des villes congolaises dont Kinshasa est le prototype.

Kinshasa est une mégapole de l’Afrique Centrale dont la superficie avoisine les 10.000 Km2 (9965 Km2  d’après Kankonde, 2001). Elle a le statut administratif de province et est subdivisée en 24 communes dont 4 parmi les plus vastes (Kimbanseke, Maluku, Mont-ngafula et N’sele) englobent des grandes étendues périphériques non urbanisées. Ces quatre communes sont appelées zones périurbaines (ZPU), elles ont un indice d’occupation du sol très bas avec des villages dispersés séparés par de larges espaces vides.

Les habitants de ces villages vivent dans la précarité extrême. Ils ne bénéficient pas d’infrastructures modernes comme l’aduction  d’eau  ou de l’électricité et l’accès aux soins de santé de qualité y est très limité, de même que le chômage y sévit de manière endémique.

Pour leur subsistance, ces populations n’ont d’autre alternative que l’exploitation de leurs milieux naturels. Elles s’adonnent ainsi à l’agriculture traditionnelle (itinérante sur brûlis), à la chasse, à la cueillette et au ramassage. Les cours d’eau, les sources naturelles et les mares sont leurs seules sources d’approvisionnement en eau et la pharmacopée traditionnelle entre pour une bonne part dans la couverture de leurs besoins en soins de santé primaires.

Du fait de ce genre de vie, ces populations sont très proches de la nature et en ont une connaissance approfondie, notamment en ce qui concerne l’habitat, la disponibilité, l’utilisation et la valorisation des PFNL appelés aussi « produits sauvages ». Ce savoir local s’étend aussi bien sur les facteurs écologiques (climat, substrat, biocénoses) que sur les normes traditionnelles de gestion et de conservation des ressources naturelles biologiques de leurs terroirs.

Bien que  limitée dans ses effets par la pression démographique qui entraîne à son tour une pression accrue sur les ressources naturelles, cette connaissance justifie amplement le recours à l’approche participative privilégiant les aspects ethno biologiques et ethnoécologiques.

Dans cette optique, l’étude sur le terrain rencontre une des grandes préoccupations de la dynamique sociale et les enjeux subséquents entre l’homme et son milieu naturel. Les partenaires sociaux œuvrant dans les associations et structures endogènes qui cherchent les voies et moyens pour assurer la survie des populations délaissées des ZPU, tout en renforçant les mécanismes de gestion durable des écosystèmes desdites zones pourrait également y trouver leur compte.

Basée sur les échanges entre les chercheurs et les exploitants des produits sauvages, la méthode participative implique ces derniers dans les stratégies de maintien et de pérennisation de leur milieu naturel, faisant d’eux une partie prenante de ces stratégies et non plus des spectateurs qui subissent les innovations introduites.

Les produits sauvages sont classés en trois catégories : les végétaux, les animaux et les champignons. Pour certains comme les arbres à chenilles et le palmier à huile, il y a des compétitions d’usage qui peuvent être atténuées grâce aux entretiens en focus group et permettre ainsi l’adoption des attitudes susceptible de favoriser la durabilité de ces ressources. D’autre part, les pratiques locales positives et les us coutumiers propices à la conservation ou à la valorisation des produits sauvages peuvent être vulgarisés au cours de ces séances.

En fin, la perception et l’intégration, par les chercheurs, de mythes et autres usages non marchands des PFNL, comme lors de cérémonies rituelles (mariage, naissance, intronisation, funérailles …) ne peuvent être envisagées en dehors de cette approche.

Approche méthodologique

1.      Choix des sites d’études

La zone périurbaine de Kinshasa fait partie du terrain d’étude choisi pour les recherches du Projet GEPAC en RDC. Ce sont donc les Communes périphériques de Kinshasa (Kimbanseke, Maluku, Mont-Ngafula et N’sele) qui sont concernées par nos travaux. Le fait que les habitants de ces communes entretiennent des liens étroits avec leurs écosystèmes pour assurer leur subsistance quotidienne et que leurs rapports avec le milieu urbain en font des zones de transition entre la ville et la campagne a été le principal critère de sélection.

Une autre particularité des sites choisis est que l’exploitation des produits sauvages qui s’y pratique pour des besoins commerciaux est perçue comme une menace sur les écosystèmes, même si ou peut – être parce que c’est pratiquement la seule alternative qui s’offre à leur population pour satisfaire leurs besoins vitaux.

Enfin le voisinage d’une aire protégée perçue par les riverains comme une spoliation intolérable de leurs terres ancestrales, imposant ainsi la vision profonde des stratégies des gouvernance environnementale au niveau local, a milité pour le choix des sites d’étude qui sont : Bwantaba, Dumi, Kinta-Kinswe, Maluku – terre jaune, Maluku –village,  Mutiene, la Réserve de Bombo-Lumene.

(Fig. 1. Carte des sites d’étude sur l’exploitation des produits sauvages dans la ville- province de Kinshasa)

Préparation de l’ enquête

Inspiré par Albarello (2003), la préparation de l’enquête a comporté les étapes suivantes :

          Conception générale de l’enquête ;

          Construction de l’échantillon ;

          Rédaction du questionnaire ;

          Sélection et formation des enquêteurs

Choix des outils de collecte des données

Trois types d’outils ont été confectionnés pour réaliser la collecte des données de terrain :

          un questionnaire d’enquête complet, clair et concis excluant toute équivoque (voir tableau 1) ;

          une grille d’entretien destinée à uniformiser la collecte des informations par les enquêteurs, notamment lors de la conduite des entretiens  par focus group ( voir tableau 2) ;

          un canevas qui doit accompagné chaque enquêteur occupé aux observations directes sur le terrain comme la collecte des spécimens des produits sauvages. Ce canevas facilite la taxonomie et l’analyse systématique des produits sauvages disponibles dans les sites faisant l’objet de l’étude (tableau n°3).

Tableau 1. Questionnaire type[1]

A .Organisation de la cueillette

Réponses

1.

Parties de la plante collectées

 

2.

Où peut-on trouver la plante ? (Jf, Fs, Sv, Sf, marais)

 

3.

Mode d’appropriation de la ressource et droit de cueillette

 

4.

Estimation d’abondance de la ressource

 

5.

La ressource est-elle accessible ?

 

6.

Quelle est la phénologie de la plante ?

 

7.

Qui récolte souvent la plante ?

 

8.

A combien s’élèvent les coûts liés à sa récolte ?

 

9.

A combien s’estiment les quantités récoltées par jour ?

 

B. Mode de préparation et de conservation

10.

Quelles sont les transformations effectuées avant la commercialisation ?

 

11.

Quelles sont les méthodes de conservation utilisées ?

 

12.

Quels sont les coûts liés à ces transformations ?

 

13.

Quels sont les problèmes rencontrés lors de ces transformations

 

C. Organisation de la vente

14.

Où les produits sont-ils acheminés ?

 

15.

Qui effectue le transport et à quel prix ?

 

16.

Où se trouvent les lieux d’échange ?

 

17.

Quels sont les intermédiaires commerciaux ?

 

18.

Quels sont les prix pratiqués lors de la vente ?

 

19.

A quoi sert l’argent procuré par la vente de la ressource

 

D. Importance de l’activité pour les exploitants

20.

Depuis quant commercialisez-vous cette ressource ?

 

21.

Quels sont les facteurs qui entrent en compte dans le choix de cette exploitation

 

22.

Cette activité est-elle prioritaire pour vous ?

 

23.

Quelles sont les complémentarités entre cette activité et les autres ?

 

24.

La vente de ces produits est-elle indispensable pour vous ?

 

E. Problèmes et perspectives

25.

Quels sont les problèmes que vous rencontrez lors de l’exploitation de cette ressource ?

 

26.

Quels aspects vous semble-il intéressant de développer pour le futur ?

 

F. Identification du répondant

a.

Quelle est la taille de votre ménage

 

b.

Quel est le groupe ethnique majoritaire dans ce site ?

 

c.

Sexe, niveau d’instruction, état civil

 

Légende : Jf = Jachère forestière, Gf = galerie forestière, Sv = savane herbeuse, Sf = savane boisée)

Tableau 2.  Modèle de grille utilisée pour les entretiens par focus group.

1.Caractéristique du PFNL

  • Nom vernaculaire

  • Nom local

  • Partie utile (Ra, Ec, Fe, Fr, Gr)

  • Lieu de récolte

  • Mode de récolte, d’appropriation de la ressource et droit de cueillette

  • Estimation d’abondance (proximité, marché, champs) de la ressource

  • accessibilité  à la ressource

  • les stades de développement

  • disponibilité des ressources exploitées

2. Usages ou utilisations

  • alimentation

  • emballage

  • énergie

  • construction

  • teinturerie

  • médicinal

  • vannerie

 

3. Marché (Commercialisation)

  • lieu de vente (chailleurs, coin, bord de la route, devant la maison)

  • prix par unité de vente (sakombi, botte)

  • niveau de revenu

  • moyen de transport et coûts connexes

 

4. Durabilité

  • Contraintes

  • Stratégies

  • Visions futures

 

5. Identification du répondant

·         Nom

·         Tranche d’âge

·         Sexe

·         Taille du ménage

6. Remarques

 

Légende : Ra = Racine, Ec = Ecorce, Fe = Feuille, Fr = Fruit, Gr = Graine

Le canevas est un schéma structuré pour les observations directes sur terrain. Il  renferme les directives et lignes maîtresses des observations directes sur le terrain. Il se présente sous forme d’un plan sommaire et comprend les élément suivants : Coordonnées géographiques en terme de longitude, latitude, altitude ; Type morphologie de l’espèces (arbre, arbuste, herbe, liane, champignons ; date de récolte du spécimen, nom locale et vernaculaire, description de la station (brève description de l’habitat). C’est un outil complémentaire aux observations sur le terrain. Le canevas est un outil de vérification dans la réalisation de la cartographie participative par les villageois, c’est-à-dire, voir si certains éléments ne sont pas omis pour le remplissage de la carte des exploitations villageoises en produits sauvages. La collecte des spécimens des produits sauvages par les villageois ne se fait pas de la même manière que celle du chercheur (Exemple : la partie florale, l’écorce, la racine) tandis que l’exploitant villageois prélève directement la partie utile.

Tableau 3. Modèle type de canevas

Nom du collecteur

CGS

Alt

Classe

Morphologie

Desc.bota

Desc. Mil

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Légende : CGS = coordonnées géographique de la station, Alt = altitude de la station, Desc.bota = description botanique du PFNL, Desc. Mil = description du milieu de prélèvement, Classe = monocotylédone ou dicotylédone.

De ce fait, le chercheur qui l’accompagne et l’assiste doit se munir de son canevas pour la récolte des autres parties qui n’intéressera pas directement l’exploitant villageois. On explique aussi à l’exploitant villageois pourquoi a-t-on prélevé aussi un autre organe. Les villageois confondent certaines espèces partant des noms vernaculaires. Le cas de fougère « Misili » est bien un cas parmi tant d’autres, mais le canevas nous a permis de repérer les deux espèces de fougère exploitées en périphérie de Kinshasa, le « Misili ya mayi » et « Misili ya esobe ». les villageois ne tiennent même pas compte des différences entre les deux espèces, ils ne voient que l’enroulement des frondes (jeunes feuilles en spirale). C’est grâce au canevas de terrain qu’on a prélevé les éléments des différences observées en terme de l’habitat et des particularités morphologiques. Ces sont des données nécessaires pour la taxonomie et l’analyse systématique des spécimens des produits sauvages disponibles dans les sites de l’étude.

Les enquêtes et les entretiens en focus group ont été conduites auprès des villageois, guérisseur (tradipraticiens ou ceux qui font l’automédication), des ménages, vendeurs (détaillants ou intermédiaires commerciaux) susceptibles de nous fournir des informations utiles sur l’usage des produits sauvages autour de Kinshasa. Notre connaissance linguistique locale nous a permis de communiquer aisément avec les villageois et les agents de l’ordre sans recourir aux interprète- traducteurs.

Travail de terrain

Pour bien mener l’évaluation de l’impact des pratiques d’exploitation des ressources naturelles sur le bien être des populations locales (bénéficiaires), nous avons recouru aux approches qui permettent de bien prendre part aux prélèvements des produits sauvages dans leurs milieux naturels, assister les villageois pendant l’exploitation, la transformation, les échanges tant marchands et non marchands. Cette approche présente l’avantage de créer un cadre de concertation entre nous, chercheur et les populations rurales que nous accompagnons. Elle paraît flexible, faciles à comprendre et à analyser. Dès notre arrivée aux villages, nous nous dirigeons vers la résidence du chef, nous lui expliquons le but de notre visite, puis sollicitons son autorisation de contacter les gens pour un entretien.  Nous avons prévu une bouteille de Pastis ou Jhony walker (boisson alcoolisée) pour les honneurs au chef du village. Le soir, le chef réunira ses notables pour leur faire part de notre visite et surtout leur demander de s’en charger pour informer les villageois.

Une séance de travail est programmée le soir même pour cibler les personnes ressources au niveau de village. Des réunions préliminaires, c’est-à-dire, informer les notables (chef de rue, élite du village, sage femme, autorité religieuse, enseignant) du village de nos objectifs de travail et aussi fixer un rendez-vous pour s’entretenir avec les autres couches de la population du village. Le rendez-vous est fixé, et le lieu de rencontre défini, un verre d’amitié est ainsi offert aux notables pour symboliser leur  hospitalité au niveau du village. Dans les villages situés proche de l’axe Kinshasa-Kenge, les villageois se montrent curieux, ils nous approchent, ils nous offrent à boire et nous accueillent gentiment.

Les villageois ne sont pas convaincus de l’importance que nous attribuons aux produits sauvages dans leurs milieux. La méfiance et les réserves aux questions ayant traits aux élites du villageois se fait sentir de plus en plus. Dans un premier temps, on fait plus la morale, « tosolola bien». Les jeunes sont les plus attrayants, nous confondant aux commerçants. On se présente comme étant des étudiants de l’université de Kinshasa, qui entreprennent des recherches sur les produits sauvages. Certains villageois ne cessent de se moquer de nous pensant que nous manquons à faire. Certains villageois refusent même de s’entretenir avec nous croyant que nous leurs perdons du temps. Il y en a même qui posent des préalables pour qu’ils participent au focus group. Dès qu’on fait sortir un questionnaire pour la collecte des données, l’enquêté réagi « que voulez ? Doit-je abandonner mes occupations pour répondre à votre moquerie « lityoli». Il y en a même qui nous dit « bozali kozwa biso ba yuma ».

Nous sommes considérés comme des propagandistes, espions du ministère de l’environnement. Le slogan « Ventre affamé n’a point d’oreille » symbolise l’état d’esprit dans lequel vivent les exploitants des produits sauvages. Dans des villages tout au tour de la réserve de Bombo-lumene et le centre de Mbakana où la fréquence des stagiaires, des vulgarisateurs du Ministère de l’agriculture ainsi que les animateurs du Centre pour le soutien et le développement intégré de Mbakana (CADIM) ont fait que les villageois puissent nous accepter chez eux sans antipathie, mais la motivation des participants est exigée.

Toute fois, ils ont évoqué les résultats immédiats de nos recherches pour la lutte contre la pauvreté dans leurs milieux. Ils sont assoiffés des résultats concrets des nos investigations en terme du bien être des populations locales. Sont appelés informateurs clés, toutes personnes ayant une certaine notoriété reconnue par les membres de la communauté et /ou jouant un rôle actif dans le développement local. Ces derniers passent de parcelle en parcelle pour signaler la présence des visiteurs qui sont venus pour la valorisation des produits sauvages exploités dans les terroirs villageois, ils achètent aussi les produits sauvages et sont motivés de visiter les milieux dans lesquels nous effectuons nos prélèvements. Ils exhortent les villageois à venir poser des questions pertinentes sur les perspectives et contraintes liés aux pratiques d’exploitations et surtout à venir partager avec nous leurs expériences en matière d’exploitation et usages des produits sauvages. La notion du genre est aussi prise en compte en demandant aux chefs de ménage d’être accompagnés de leurs conjoints dans la mesure du possible. Voici ce qu’une maman nous adit « Bozali kokosa biso, bozali kosala makambo mosusu », c’est veut dire tout simplement que nous les trompons.

La représentation presque totale des variations existantes dans les ménages en terme de bien être, du niveau d’exploitation des écosystèmes, de la consommation des produits sauvages, des services environnementaux, des groupes ethniques en place, des coutumes, des tabous, des lois en matière de conservation et  protection de la nature. Soulignons qu’au niveau du village, il existe bel et bien une structure hiérarchique. Le chef du village incarne l’autorité coutumière et politique. Il est secondé dans ses attributions par les notables et sages du village. La mobilisation est une étape importante dans la réalisation de ces genres d’études. Lorsqu’elle n’est pas bien effectuée; elle peut retarder le déroulement de l’enquête ou faire rater l’interview par  manque d’informateurs de qualité. Pour avoir une taille raisonnable du groupe à animer, il est souhaitable d’avoir un group d’au moins 10 à 15 participants. De ce fait, il est recommandé de fixer rendez-vous au moins un jour avant pour que les villageois ne soient surpris. S’il n’est pas possible d’écarter les curieux provenant des autres communautés des villages environnants, il est alors nécessaire de les garder comme observateurs mais sans participation effective dans les débats.

Réduire au minimum la présence des personnes capables d’influencer ou d’intimider les participants aux discussions (leaders du village, les brigadiers, et autres officiels etc.). Les animateurs des focus group arrivent à temps pour que les participants ne se sentent pas isolés. Le modérateur est désigné parmi les notables du village, Il introduit l’animateur du jour auprès des participants et assure la police du débat. L’animateur prend la parole en se présentant, c’est-à-dire nom et post-nom, statut marital, chercheur indépendant, passionné des produits sauvage, etc.  L’exploitation et la commercialisation des PFNL sont au centre des discussions.

La mise en notre disposition d’un panier ou un sac contenant les échantillons des espèces végétales, champignons et certaines espèces du règne animal est un outil de base nécessaires dans ce genre d’étude. C’est notre herbier de référence. L’implication des villageois dans le débat, la conduite de discussion sous forme de débat de clarifications sur la valorisation des pratiques traditionnelles autour des produits sauvages ne s’est pas limitée à une prédication de part et d’autres. Les participants qui avaient quelques spécimens des produits sauvages à la maison n’ont pas hésité de les exhiber en public. En plus des spécimens récoltés par-ci et là pendant les interviews, nous avons mené des expéditions dans quelques lieux de récolte en compagnie des guides choisis parmi les informateurs.

Conclusion

Cette approche est intéressante pour l’ensemble des participants dans ce sens qu’elle a permis aux villageois de faire entendre leur voie et matérialiser leur attachement à leur milieu naturel. Les conflits ayant opposés l’Etat congolais aux autochtones du plateau de Batéké lors dé l’implantation du projet agroforestier à Kinzono et Mampu, l’interdiction formelle des prélèvements des produits sauvages par les villageois dans les concessions du projet et les réprimandes que subissaient ceux qui étaient pris en flagrance, les poussaient à des actes de sabotages telles que les feux incontrôlés (CIRAD, 2004).  Les villageois ont fait savoir la place des produits sauvages dans leur vie quotidienne. Ils pensent que des entretiens participatifs pareils sont des occasions pour eux de poser leurs problèmes réels et de nouer de contact avec ceux qui peuvent plaider leurs causes pour la misère et la précarité de la vie dans cette partie de la ville.

S’agissant de l’exploitation des produits sauvages, les participants ont stigmatisés l’exploitation des palmiers. Ils n’ont pas d’autres substitut pour l’huile de palme, la noix de palme demeure l’unique source en huile, mais les palmiers sont mal exploités dans leurs milieux. L’impact de l’exploitation de vin de palme par l’abattage et la coupe des inflorescences prime sensiblement la production de noix de palme. Certains villages de la périphérie dépendent fortement des intermédiaires urbains pour l’approvisionnement en huile de palme. 

On ne doit pas seulement tenir compte des avantages immédiats en terme de vin produit après abattage du palmier, mais voir les autres produits secondaires qu’on peut tirer du palmier. « La méthode d’en haut » qui consiste à grimper sur l’arbre, inciser les inflorescence et placer la calebasse pour extraire le vin est une pratique à impact positif, moins nocif sur l’environnement. Les exploitants ont évoqué comment ils gèrent la cueillette et le ramassage des produits sauvages dans les terroirs du village sans engendrer de conflits parmi eux. Monsieur Mbama qui est étudiant en Sciences Agronomiques de l’Université de Kinshasa nous a démontré que le fait de se retrouver dans l’exploitation des PFNL à Mbankana et Mampu ne lui confie pas le nom de « Mowuta ou muyaka », mais c’est plus pour mieux cerner la dynamique autour des PFNL.

La RDC traverse une période sombre de son histoire, la pauvreté, la détérioration du tissus économique et sociale, la démission de l’état et le non financement de la recherche constituent un goulot d’étranglement pour les chercheurs. Rien de concret en terme de méthode ou approche de recherche pour comprendre la dynamique et les enjeux autour des produits sauvages. L’exploitation des produits sauvage demeure un moyen de subsistance pour les habitants de la périphérie de Kinshasa, interdire l'exploitation des produits sauvages dans la périphérie de Kinshasa  peut soulever les populations déjà meurtries par le chômage, la pauvreté et surtout la démission de l’état.

Les villages situés dans la périphérie de Kinshasa  sont confrontés aux questions relevant du développement durable et de la bonne gouvernance environnementale mais ils sont jusqu'ici, négligés par les décideurs tant politiques et sociaux. Il a fallu penser aux approches  qui témoignent la participation des populations concernées et les responsabilisent dans la recherche des solutions efficaces pour soulager tant soit peu leurs dépendances du milieu naturel. Toutefois, vu que ces difficultés sont corollaires à la précarité de la vie qui caractérise l’ensemble des habitants des milieux ruraux Congolais, il serait trop prétentieux qu’une organisation quelconque, bien qu’animée de bonne foi, puisse résoudre ces problèmes à court et moyen terme.

© CongoForum – Biloso Moyene Apollinaire et Kabuyaya Muswa – V.Noël, septembre 2005

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

ALBARELLO, L., 2003 : Apprendre à chercher. L’acteur social et la recherche scientifique, Bruxelles, De Boeck, 197 p.

BILOSO MOYENE, A., 2003 : Contribution à l’étude d’approvisionnement et distribution des produits de chasse et de cueillette dans la ville de Kinshasa en R.D.Congo, D.E.S interuniversitaire en Gestion des Ressources Animales et Végétales en Milieux Tropicaux, FUSAGX/ ULG (Belgique), 53 p. inédit.

BROSSIER G., DUSSAIX A.M., 1999 : Enquêtes et sondages. Méthodes, modèles, applications, nouvelles approches. Paris : Dunod, 366 p.

BRUCE, A. 1997 : Démarche pour comprendre et influencer les comportements à l'égard de la conservation et de la gestion des ressources naturelles, bulletin sur biodiversité africaine, n°4,WWF, 133 p.

CIRAD, 2004 : Bois et forêt des tropiques, n° 282 (4), p.74.

KANKONDE MUKADI, 2001. La biodiversité et la sécurité alimentaire, in Sécurité alimentaire en RDC, analyse, production et consommation, Harmattan, KUL, Paris, 348p.

MINSITERE DES AFFAIRES FONCIERES, ENVIRONNEMENT, CONSERVATION DE LA NATURE, PECHE ET FORETS. 1999 : Plans d’action provinciaux de la biodiversité, Kinshasa, juin 1999, 178p.


[1] Les formulaires ou protocoles d’enquête se trouvent sur le site internet de Gepac

 

 

 

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